QUAND LE CHAOS INTÉRIEUR S'APAISE ENFIN
Alors que je suis en plein préparatif de notre prochain séjour dans un pays étranger, je me rappelle que je ne vous ai jamais parlé plus en détail de ce fameux voyage effectué en janvier dernier, ce voyage qui m’avait fait prendre conscience d’un tas de choses, mettant ainsi un point final à une première partie de ma vie. Après avoir tourné la dernière page, il m’avait fallu du temps pour refermer ce livre, que je range maintenant dans la bibliothèque de ma mémoire, sur une étagère presque inaccessible. Certes, le bouquin sera toujours là, témoin de ce qui a été, et avec le temps, il prendra la poussière.
Lorsque j’avais 8 ans, je connaissais déjà tout le panthéon égyptien et je vouais une passion sans borne aux mystères de l’Égypte antique, à son symbolisme et à ses fascinantes momies, dont je comprenais parfaitement que ces hommes et ces femmes avaient un jour respiré et vécu comme moi je le faisais aujourd’hui. J’avais alors naturellement décidé que, lorsque je serais grande, je deviendrais égyptologue. Ça tombait sous le sens.
Mais il y avait un détail, non des moindres, que j’avais omis de prendre en compte : l’environnement familial dans lequel j’étais née et évoluais. Nous oublions tous à quel point notre famille nous façonne, et nous omettons tout autant à quel point il est une gageure de prétendre zapper cette influence, qui s’inscrit profondément autant dans notre A.D.N. que dans les dimensions invisibles qui nous constituent dès avant notre conception.
En ce qui me concerne, je suis née dans une famille dysfonctionnelle, et j’avais été conçue par deux êtres plus préoccupés d’eux-mêmes que de la progéniture qu’ils avaient engendrée. Ils avaient leurs casseroles, comme tout le monde, et ils ont fait de leur mieux, comme tout le monde.
Toutefois, mon père et ma mère ayant lourdement découragé mon projet de devenir archéologue, j’avais laissé tomber. Il ne souhaitait pas me payer des années d’études universitaires, prétextant que, bien que je sois intelligente, j’étais surtout une grosse fainéasse qui préférait se laisser porter par le flot de la vie. Tandis qu’elle me susurrait qu’un archéologue ne gagnait pas sa vie et que je dépendrais du bon vouloir d’un homme. Moi qui étais déjà si indépendante, comment accepterais-je de devoir m’en remettre systématiquement à quelqu’un ? Ils étaient mes parents, ils étaient des adultes, et j’avais alors imaginé qu’ils savaient mieux que moi qui j’étais et ce que je valais.
Quoi qu’il en soit, à l’âge de 19 ans, j’avais tout de même pris la tangente et j’avais continué mon éducation à l’arrache dans la jungle de la vie. Cela avait été pour moi la seule chance de survie : préférer l’inconnu et l’incertitude au connu et à la certitude de ce que pourrait être mon futur si je restais engluée dans cette vase nauséabonde de dictature, de violence, de compétition constante et de jugements à l’emporte-pièce. Mon âme douce et rêveuse, qui avait tant besoin d’amour et de sécurité, n’avait pas eu droit de cité, et mon enfant intérieur avait vu tous ses rêves piétinés. Je sentais au fond de moi que la vie hors du milieu familial ne pouvait pas être pire que celle qui m’avait vue grandir.
Moi aussi, j’ai fait de mon mieux, comme tout le monde. Mais il m’a fallu beaucoup de recul, et surtout beaucoup de temps, pour accepter ce constat, tant j’étais enfermée dans mon désir de défaire et de refaire le passé. J’avais ainsi passé des décennies à me seriner : "Et si j’avais dit ceci plutôt que cela ?", "Et si j’avais fait d’autres choix ?", "Et si j’avais eu une autre personnalité ?", "Et si, au final, j’avais été quelqu’un d’autre ?"...
J’avais très tôt constaté que je suis plus loyale qu’une meute de loups, mais lorsque l’on apprend à être soi-même, on apprend aussi à devenir loyal envers soi, et non plus envers ceux qui nous ont maltraités, quand bien même ils nous ont engendrés. Donner la vie est un acte sacré, trop souvent occulté par beaucoup, et j'ai toujours été sidérée par cette incompréhension.
Bref
Tout ça pour vous dire que je rêvais d’aller en Égypte depuis l’âge de 8 ans, et que j’ai finalement réalisé ce rêve 47 ans plus tard.
J’avais d’abord opté pour une croisière sur le Nil, mais face aux innombrables offres, il n’était pas facile de choisir. Réalisant de surcroît que, sur un bateau, on est coincé en fonction du bon vouloir de l’équipe organisatrice, j’avais rapidement abandonné cette idée. De plus, pour ma première fois en Égypte, je voulais en voir le plus possible, mais sans nous fatiguer outre mesure, parce que, bien évidemment, Ragnar serait du voyage, et l’état de santé de Ragnar nécessite quelques ajustements. J’avais donc fini par arrêter mon choix sur Louxor : 4 nuits rive est, au cœur de la ville, proche des temples de Louxor et de Karnak, de l’allée des Sphinx, des musées de Louxor et de la momification, et 7 nuits rive ouest, dans le désert, au cœur des sites funéraires de la vallée des Rois, des Reines, des Nobles, des Artisans, des temples d’Hatchepsout et d’autres pharaons, des colosses de Memnon, etc. C’était une décision presque instinctive, un besoin de connexion profonde avec cette mémoire millénaire, d’y puiser la force et la sagesse qui, je n’en doutais pas, apaiseraient mon tumulte intérieur, toujours en quête de calme dans la profondeur de l’éternité. Ces sept nuits dans le désert, au cœur des sites où la mort réside dans un silence chargé de sens, n’étaient pas simplement un séjour parmi des tombes antiques, mais une immersion intime dans cette relation que je tisse avec la fin, la disparition, la transformation ultime. Parce que, pour moi, la mort n’est qu'une métamorphose, une étape essentielle pour revivre autrement. Là-bas, dans ce lieu où chaque sépulture cache un passage vers un autre monde, je voulais ressentir cette vérité essentielle, cette alchimie entre la perte et la renaissance. C’était comme une invitation à accueillir la mort comme une alliée. Une fois encore, une fois de plus.
Bref
Revenons maintenant à la réalité tangible, car si l’Égypte est un pays qui attire bon nombre d’entre nous par la richesse de sa culture antique, ses vestiges encore visibles et ses découvertes toujours plus nombreuses, et si les autorités égyptiennes mettent un point d’honneur à rassurer les visiteurs étrangers par des conditions de sécurité renforcées, force est de constater que la culture égyptienne est très différente de la culture occidentale. Sachant cela, et respectueuse des us et coutumes, je n’ai eu aucun problème à couvrir mon corps dans les lieux sacrés que je visitais afin de ne pas heurter les guides et autres gardiens. Et si ce séjour a été une réussite sur certains points (je m’étais fait la promesse que rien ni personne ne gâcherait mon plaisir, et nous avons tout de même fait de belles rencontres et vécu des moments inoubliables), il a aussi été terni par la croyance partagée par tous les Égyptiens que la vie est plus facile ailleurs, et que tous les touristes sont millionnaires et donc, heureux.
Le bakchich est une institution dans ce pays, et je n’ai aucun problème avec ça, mais lorsque celui-ci tourne au harcèlement constant, lorsque qu’un gardien de tombe exige 200 L.E. au lieu des 10 que tu lui offres, lorsqu’un guide de temple t’autorise l’accès à la totalité du site moyennant paiement alors même que tu as acheté ton ticket d’entrée, lorsque tu ne peux pas passer 5 minutes dans le silence du désert sans que l’on tente de te vendre une babiole, alors même que tu viens d’en négocier une au même vendeur, ça devient très vite lourd, et ça te gâche tout de même un peu le plaisir de la découverte. Un soir, que j’étais restée dans notre chambre, Ragnar avait endossé la mission d’aller acheter des fruits frais pour notre repas. Je vous rappelle que Ragnar est autiste, et que, par conséquent, il a du mal à comprendre les codes sociaux et à interagir avec ses semblables. Rajoutez à cela une culture différente, et un usage approximatif de l’anglais de part et d’autre, et vous aurez un aperçu de l’ambiance. Ragnar donc avait été poursuivi dans les rues de Louxor par trois hommes qui voulaient absolument l’asseoir dans leur carriole pour lui faire faire le tour de la ville, et qui avaient été avec lui jusque chez le marchand, pour choisir les fruits à sa place, et lui arracher les sacs de commission des mains. C’est en arrivant près du petit hôtel où nous logions que les gars ont fini par abandonner. J’avais briefé Ragnar : il était hors de question de faire un tour en calèche, et de payer pour entretenir les conditions de maltraitance des chevaux. De retour dans la chambre, l’état de panique de mon homme était palpable. J’avais réussi à le calmer, mais le lendemain, alors que nous allions traverser le Nil pour rejoindre la rive ouest, Ragnar avait refusé de passer dans la rue où se trouvait le cheval, la carriole, et leur propriétaire. Nous avions donc fait un large détour pour éviter une possible confrontation.
Bref
Le plus important à retenir de ce voyage en Égypte est qu’il a provoqué en moi un véritable ouragan intérieur. Si auparavant j’avais intellectuellement compris que j’avais toujours fait les bons choix, j’intégrais maintenant intimement ce constat. Même le fait de ne pas m’être donnée les moyens de devenir égyptologue prenait tout son sens. Cette tempête a définitivement rayé de mon psychisme tout regret, toute culpabilité, et m’a libérée de ces chaînes invisibles. Au final, j’avais bel et bien toujours été fidèle à moi-même. Cela avait été plus ou moins facile à appliquer, cela m’avait parfois fortement challengée, mais le résultat est là, tangible, visible dans la matière. Et ce résultat, c’est la femme que je suis, ici et maintenant.
Le 20 juin, cela fera 5 mois que nous sommes rentrés d’Égypte, et depuis ce retour "à la maison", je vis chaque jour à la fois, je savoure chaque seconde, je cesse de courir vers le cimetière, je suis plus à l’écoute de mes besoins et de mes désirs, j’exprime ma vérité avec plus de clarté et de douceur, je me positionne en harmonie avec l’instant présent. Je fais moins de concessions, et je le vis bien, très bien même. Parfois encore, je dérape, je cède au stress, je rumine de sombres pensées, j’engloutis des aliments que mon corps refuse. Mais ces dérapages sont moins nombreux, et leur durée s’est réduite. Je les vois, je les vis comme étant les poussières accumulées sur le livre rangé sur l’étagère presque inaccessible, poussière qui aurait été déplacée et emportée par une brise émotionnelle, me rappelant ainsi que le livre est toujours là, et qu’il ne faut jamais oublier que lorsque je l’avais écrit, j’y avais appris tant de choses et qu’il recèle dès lors une richesse infinie qui témoigne que mon voyage intérieur a finalement trouvé sa voie.
© Le Verbe Guérisseur - Marushka Tziroulnikova
Retour à la page RÉFLEXIONS
Lorsque j’avais 8 ans, je connaissais déjà tout le panthéon égyptien et je vouais une passion sans borne aux mystères de l’Égypte antique, à son symbolisme et à ses fascinantes momies, dont je comprenais parfaitement que ces hommes et ces femmes avaient un jour respiré et vécu comme moi je le faisais aujourd’hui. J’avais alors naturellement décidé que, lorsque je serais grande, je deviendrais égyptologue. Ça tombait sous le sens.
Mais il y avait un détail, non des moindres, que j’avais omis de prendre en compte : l’environnement familial dans lequel j’étais née et évoluais. Nous oublions tous à quel point notre famille nous façonne, et nous omettons tout autant à quel point il est une gageure de prétendre zapper cette influence, qui s’inscrit profondément autant dans notre A.D.N. que dans les dimensions invisibles qui nous constituent dès avant notre conception.
En ce qui me concerne, je suis née dans une famille dysfonctionnelle, et j’avais été conçue par deux êtres plus préoccupés d’eux-mêmes que de la progéniture qu’ils avaient engendrée. Ils avaient leurs casseroles, comme tout le monde, et ils ont fait de leur mieux, comme tout le monde.
Toutefois, mon père et ma mère ayant lourdement découragé mon projet de devenir archéologue, j’avais laissé tomber. Il ne souhaitait pas me payer des années d’études universitaires, prétextant que, bien que je sois intelligente, j’étais surtout une grosse fainéasse qui préférait se laisser porter par le flot de la vie. Tandis qu’elle me susurrait qu’un archéologue ne gagnait pas sa vie et que je dépendrais du bon vouloir d’un homme. Moi qui étais déjà si indépendante, comment accepterais-je de devoir m’en remettre systématiquement à quelqu’un ? Ils étaient mes parents, ils étaient des adultes, et j’avais alors imaginé qu’ils savaient mieux que moi qui j’étais et ce que je valais.
Quoi qu’il en soit, à l’âge de 19 ans, j’avais tout de même pris la tangente et j’avais continué mon éducation à l’arrache dans la jungle de la vie. Cela avait été pour moi la seule chance de survie : préférer l’inconnu et l’incertitude au connu et à la certitude de ce que pourrait être mon futur si je restais engluée dans cette vase nauséabonde de dictature, de violence, de compétition constante et de jugements à l’emporte-pièce. Mon âme douce et rêveuse, qui avait tant besoin d’amour et de sécurité, n’avait pas eu droit de cité, et mon enfant intérieur avait vu tous ses rêves piétinés. Je sentais au fond de moi que la vie hors du milieu familial ne pouvait pas être pire que celle qui m’avait vue grandir.
Moi aussi, j’ai fait de mon mieux, comme tout le monde. Mais il m’a fallu beaucoup de recul, et surtout beaucoup de temps, pour accepter ce constat, tant j’étais enfermée dans mon désir de défaire et de refaire le passé. J’avais ainsi passé des décennies à me seriner : "Et si j’avais dit ceci plutôt que cela ?", "Et si j’avais fait d’autres choix ?", "Et si j’avais eu une autre personnalité ?", "Et si, au final, j’avais été quelqu’un d’autre ?"...
J’avais très tôt constaté que je suis plus loyale qu’une meute de loups, mais lorsque l’on apprend à être soi-même, on apprend aussi à devenir loyal envers soi, et non plus envers ceux qui nous ont maltraités, quand bien même ils nous ont engendrés. Donner la vie est un acte sacré, trop souvent occulté par beaucoup, et j'ai toujours été sidérée par cette incompréhension.
Bref
Tout ça pour vous dire que je rêvais d’aller en Égypte depuis l’âge de 8 ans, et que j’ai finalement réalisé ce rêve 47 ans plus tard.
J’avais d’abord opté pour une croisière sur le Nil, mais face aux innombrables offres, il n’était pas facile de choisir. Réalisant de surcroît que, sur un bateau, on est coincé en fonction du bon vouloir de l’équipe organisatrice, j’avais rapidement abandonné cette idée. De plus, pour ma première fois en Égypte, je voulais en voir le plus possible, mais sans nous fatiguer outre mesure, parce que, bien évidemment, Ragnar serait du voyage, et l’état de santé de Ragnar nécessite quelques ajustements. J’avais donc fini par arrêter mon choix sur Louxor : 4 nuits rive est, au cœur de la ville, proche des temples de Louxor et de Karnak, de l’allée des Sphinx, des musées de Louxor et de la momification, et 7 nuits rive ouest, dans le désert, au cœur des sites funéraires de la vallée des Rois, des Reines, des Nobles, des Artisans, des temples d’Hatchepsout et d’autres pharaons, des colosses de Memnon, etc. C’était une décision presque instinctive, un besoin de connexion profonde avec cette mémoire millénaire, d’y puiser la force et la sagesse qui, je n’en doutais pas, apaiseraient mon tumulte intérieur, toujours en quête de calme dans la profondeur de l’éternité. Ces sept nuits dans le désert, au cœur des sites où la mort réside dans un silence chargé de sens, n’étaient pas simplement un séjour parmi des tombes antiques, mais une immersion intime dans cette relation que je tisse avec la fin, la disparition, la transformation ultime. Parce que, pour moi, la mort n’est qu'une métamorphose, une étape essentielle pour revivre autrement. Là-bas, dans ce lieu où chaque sépulture cache un passage vers un autre monde, je voulais ressentir cette vérité essentielle, cette alchimie entre la perte et la renaissance. C’était comme une invitation à accueillir la mort comme une alliée. Une fois encore, une fois de plus.
Bref
Revenons maintenant à la réalité tangible, car si l’Égypte est un pays qui attire bon nombre d’entre nous par la richesse de sa culture antique, ses vestiges encore visibles et ses découvertes toujours plus nombreuses, et si les autorités égyptiennes mettent un point d’honneur à rassurer les visiteurs étrangers par des conditions de sécurité renforcées, force est de constater que la culture égyptienne est très différente de la culture occidentale. Sachant cela, et respectueuse des us et coutumes, je n’ai eu aucun problème à couvrir mon corps dans les lieux sacrés que je visitais afin de ne pas heurter les guides et autres gardiens. Et si ce séjour a été une réussite sur certains points (je m’étais fait la promesse que rien ni personne ne gâcherait mon plaisir, et nous avons tout de même fait de belles rencontres et vécu des moments inoubliables), il a aussi été terni par la croyance partagée par tous les Égyptiens que la vie est plus facile ailleurs, et que tous les touristes sont millionnaires et donc, heureux.
Le bakchich est une institution dans ce pays, et je n’ai aucun problème avec ça, mais lorsque celui-ci tourne au harcèlement constant, lorsque qu’un gardien de tombe exige 200 L.E. au lieu des 10 que tu lui offres, lorsqu’un guide de temple t’autorise l’accès à la totalité du site moyennant paiement alors même que tu as acheté ton ticket d’entrée, lorsque tu ne peux pas passer 5 minutes dans le silence du désert sans que l’on tente de te vendre une babiole, alors même que tu viens d’en négocier une au même vendeur, ça devient très vite lourd, et ça te gâche tout de même un peu le plaisir de la découverte. Un soir, que j’étais restée dans notre chambre, Ragnar avait endossé la mission d’aller acheter des fruits frais pour notre repas. Je vous rappelle que Ragnar est autiste, et que, par conséquent, il a du mal à comprendre les codes sociaux et à interagir avec ses semblables. Rajoutez à cela une culture différente, et un usage approximatif de l’anglais de part et d’autre, et vous aurez un aperçu de l’ambiance. Ragnar donc avait été poursuivi dans les rues de Louxor par trois hommes qui voulaient absolument l’asseoir dans leur carriole pour lui faire faire le tour de la ville, et qui avaient été avec lui jusque chez le marchand, pour choisir les fruits à sa place, et lui arracher les sacs de commission des mains. C’est en arrivant près du petit hôtel où nous logions que les gars ont fini par abandonner. J’avais briefé Ragnar : il était hors de question de faire un tour en calèche, et de payer pour entretenir les conditions de maltraitance des chevaux. De retour dans la chambre, l’état de panique de mon homme était palpable. J’avais réussi à le calmer, mais le lendemain, alors que nous allions traverser le Nil pour rejoindre la rive ouest, Ragnar avait refusé de passer dans la rue où se trouvait le cheval, la carriole, et leur propriétaire. Nous avions donc fait un large détour pour éviter une possible confrontation.
Bref
Le plus important à retenir de ce voyage en Égypte est qu’il a provoqué en moi un véritable ouragan intérieur. Si auparavant j’avais intellectuellement compris que j’avais toujours fait les bons choix, j’intégrais maintenant intimement ce constat. Même le fait de ne pas m’être donnée les moyens de devenir égyptologue prenait tout son sens. Cette tempête a définitivement rayé de mon psychisme tout regret, toute culpabilité, et m’a libérée de ces chaînes invisibles. Au final, j’avais bel et bien toujours été fidèle à moi-même. Cela avait été plus ou moins facile à appliquer, cela m’avait parfois fortement challengée, mais le résultat est là, tangible, visible dans la matière. Et ce résultat, c’est la femme que je suis, ici et maintenant.
Le 20 juin, cela fera 5 mois que nous sommes rentrés d’Égypte, et depuis ce retour "à la maison", je vis chaque jour à la fois, je savoure chaque seconde, je cesse de courir vers le cimetière, je suis plus à l’écoute de mes besoins et de mes désirs, j’exprime ma vérité avec plus de clarté et de douceur, je me positionne en harmonie avec l’instant présent. Je fais moins de concessions, et je le vis bien, très bien même. Parfois encore, je dérape, je cède au stress, je rumine de sombres pensées, j’engloutis des aliments que mon corps refuse. Mais ces dérapages sont moins nombreux, et leur durée s’est réduite. Je les vois, je les vis comme étant les poussières accumulées sur le livre rangé sur l’étagère presque inaccessible, poussière qui aurait été déplacée et emportée par une brise émotionnelle, me rappelant ainsi que le livre est toujours là, et qu’il ne faut jamais oublier que lorsque je l’avais écrit, j’y avais appris tant de choses et qu’il recèle dès lors une richesse infinie qui témoigne que mon voyage intérieur a finalement trouvé sa voie.
© Le Verbe Guérisseur - Marushka Tziroulnikova
Retour à la page RÉFLEXIONS